Muffins aux zucchinis gratuits, professeur de yoga le mercredi midi, horaires d’été qui permettent de quitter plus tôt le vendredi : voilà, on a fait notre part en tant qu’employeur pour que nos employés se sentent bien dans leur milieu de travail. Et si on ne déployait pas nos efforts dans la bonne direction?

« Toutes ces initiatives ne sont que de petits plus qui ne compenseront jamais un manque dans les composantes fondamentales d’un milieu sain », croit Julie Carignan, CRHA, psychologue organisationnelle et associée à la firme-conseil en ressources humaines SBP. Si des employés sont stressés par un manque de ressources pour accomplir leur travail ou par l’indisponibilité de leur supérieur immédiat, des séances hebdomadaires de méditation guidée ne suffiront pas à améliorer leur bien-être.

L’ADN d’un milieu sain et inclusif

Selon Julie Carignan, un milieu sain se compose de trois éléments clés : un travail porteur de sens pour les employés, un environnement flexible et un espace de dialogue de nature bienveillante.
« Un milieu de travail sain permet aux gens de se réaliser. On les y considère comme des humains à part entière : on n’utilise pas seulement leurs bras ou une fraction de leur potentiel », ajoute Catherine Privé, CRHA et présidente fondatrice d’Alia Conseil.

Dans un tel cadre, pas question de critiquer un employé qui part plus tôt pour accompagner son enfant à un rendez-vous médical : l’employeur doit plutôt démontrer la confiance qu’il accorde à l’employé en lui laissant choisir comment accomplir ses tâches. En retour, l’employé montre sa confiance en ses collègues qui peuvent l’épauler et en son milieu de travail qui respecte ses besoins.

« L’employeur n’a pas à prendre sur ses épaules tous les facteurs de santé de ses employés – ils ont une responsabilité individuelle à ne pas perdre de vue. Mais il doit à tout le moins veiller à instaurer un climat de travail qui n’est pas malsain, par exemple à cause d’une gestion contrôlante ou d’une absence de communication », explique Catherine Privé.

Avant d’aspirer à devenir un havre de saines habitudes de vie pour ses employés, thé vert à volonté inclus, une organisation aurait avantage à observer ses pratiques en communication et ses politiques de gestion : sont-elles saines elles aussi? « On a tendance à l’oublier, mais performance et bien-être vont de pair. Si tout le monde se sent bien, à sa place dans un ensemble collectif, les résultats suivront », dit Julie Carignan.

Les défis propres à aujourd’hui

Avec un rythme de vie accéléré, une avalanche d’informations à traiter et une pression concurrentielle grandissante, gérer une entreprise n’a jamais été aussi complexe. « On ne peut plus s’en sortir seul! Il est plus important que jamais de se servir de l’intelligence collective au sein de notre organisation », pense Catherine Privé.
Les entreprises ont tort de se priver de la force du groupe. « Au lieu d’être agiles, beaucoup d’organisations sont aujourd’hui plutôt agitées : elles rebondissent sur tout, se lançant à gauche et à droite sans se fixer sur des priorités », note la présidente fondatrice d’Alia Conseil.

« On a l’impression d’être toujours pressé, alors on ne prend plus le temps, ajoute Julie Carignan. On envoie des textos à la va-vite en voulant être efficace. » Or, miser sur l’instantanéité et sur les résultats immédiats affaiblit nos relations humaines professionnelles et personnelles. Ce constant sentiment d’urgence a une incidence négative sur la santé du milieu de travail, de plus en plus perçu comme déshumanisé.

On n’a guère le choix de composer avec la pression : « Le contexte concurrentiel l’exige, et ça ne risque pas de ralentir, prévient la psychologue organisationnelle.

Si la pression nuit au milieu de travail, la solution n’est pas de l’alléger en réduisant les attentes, mais plutôt de mieux outiller notre monde. Ce qui est réellement malsain pour un employeur, c’est de ne pas donner à ses employés les moyens de ses ambitions. »

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