Le burnout est entré autant dans notre vocabulaire que dans notre conscience collective. Un terme tiré de l’électricité évoquant une ampoule brûlée, il désigne l’épuisement professionnel. Plus récemment, un autre terme emprunté au même lexique a été retenu pour désigner une autre forme de dépression, qui est un peu plus sournoise : le « brown-out », une baisse de tension qui fait s’affaiblir ou clignoter ces mêmes ampoules avant qu’elles s’éteignent.

Alors que le burnout constitue une forme de dépression sévère menant souvent à l’arrêt de travail, le brownout se caractérise par un manque marqué et durable de motivation ou d’intérêt envers son travail. Autrement dit, l’individu est totalement démobilisé et vit ce qu’on appelle communément un désengagement professionnel. Toutefois, il demeure fonctionnel et poursuit son travail au quotidien.

Que pouvons-nous faire pour agir sur ce phénomène en voie d’intégrer notre vocabulaire courant? En tant que gestionnaire, il est nécessaire de se questionner sur cette réalité et de bien comprendre les causes, symptômes et manifestations liés au brown-out, tout en explorant les moyens d’y faire face et, préférablement, d’y trouver un dénouement heureux pour tous les acteurs concernés. Car un danger guette tant le travailleur que l’employeur : baisse de rendement: baisse de qualité de vie au travail: départ des talents : spectre d’une éventuelle dépression, voire d’un burnout.

Les causes

On devine qu’à l’instar d’autres problèmes de santé mentale liés au travail, les causes du brown-out sont multiples : le manque de reconnaissance par la hiérarchie, un conflit éthique avec les pratiques de l’entreprise, la promesse d’une promotion qui n’arrive jamais, ou encore l’incompréhension de son rôle dans l’entreprise et dans la société en général. Comme l’explique le docteur François Baumann, « les racines du mal sont multiples. Elles sont autant à trouver du côté de l’individu, puisque chacun possède sa propre sensibilité, que de celui de la société, avec le phénomène d’accélération du temps, mais aussi le manque de bienveillance en entreprise ».

Les sources du brown-out peuvent également être confondues avec des signes ou symptômes annonciateurs de problèmes organisationnels plus graves : on a perdu de vue l’objectif de notre travail, on ne comprend plus notre rôle au sein de notre organisation, on n’a plus confiance en nos capacités ou, pire encore, on ne voit plus la valeur de notre travail quotidien.

Les symptômes

Éventuellement, des dysfonctionnements plus inquiétants se manifestent, comme l’accomplissement des tâches quotidiennes de manière mécanique, souvent sans éprouver le moindre intérêt pour le travail effectué. Le simple fait de se rendre au travail pèse tellement sur la personne atteinte que le moindre pépin qui survient au travail l’incite à se déclarer malade.

D’autres signes avant-coureurs pouvant laisser présager le début d’un brown-out sont : le sentiment de vide continu et/ou d’obligations permanentes, des liens affaiblis avec la famille proche et les collègues de travail, une atrophie des intérêts personnels et professionnels, une capacité diminuée à se concentrer sur les discussions qui nous entourent.

Le brown-out s’installe de manière insidieuse jusqu’à la rupture. Il faut donc savoir reconnaître les comportements inquiétants qui vont de l’épuisement physique à l’impossibilité de se lever le matin. On retrouve aussi des crises de larmes qui semblent surgir sans raison, un profond sentiment de déception, des insomnies et même des douleurs psychosomatiques (maux de ventre ou de tête).

D’ailleurs, si certains de ces symptômes semblent évoquer le burnout en bonne et due forme, c’est parce que le brown-out et le burnout sont inextricablement liés. En effet, le brown-out peut souvent laisser présager un arrêt de travail complet, voire une invalidité, une atteinte permanente ou, pire, un décès (voir le graphique ci-contre). Les deux phénomènes peuvent faire partie d’un même processus lésionnel, processus qui peut être entrecoupé de périodes normales, qui peut se prolonger presque indéfiniment, ou aboutir à un résultat des plus fâcheux. C’est là que l’importance critique de le reconnaître et de le prendre en charge, ou de tenter de le faire prendre en charge par la personne touchée, prend tout son sens.

Le brown-out dans l’organisation : action et prévention

Pour le gestionnaire, il est toujours important d’intervenir en reconnaissant d’emblée les limites de son rôle et de ses compétences, une obligation déontologique incontournable. Cependant, une vigilance face aux symptômes décrits précédemment, en plus de signes non spécifiques tels les changements inhabituels de comportement ou un repli sur soi, pourrait mener à entamer un dialogue ouvert et bienveillant avec un employé. Durant ce dialogue, on pourrait rappeler à la personne touchée quelles ressources sont offertes (programme d’aide aux employés, CLSC local, ou même la simple invitation à revenir parler en cas de besoin), sans jamais se substituer à un professionnel de la santé, vers qui un employé visiblement affecté devrait être orienté.

Figure

Toujours dans le but d’agir et de prévenir, des gestes communs peuvent avoir une incidence positive sur le brown-out ou son apparition :

  • Valoriser l’employé, reconnaître son travail régulièrement, valoriser son rôle et sa position dans les activités de l’entreprise.
  • Faire la promotion de saines habitudes de vie auprès des employés et leur rendre ces habitudes accessibles.
  • Être vigilant quant aux charges qualitatives et quantitatives de travail des employés.
  • Offrir les moyens et la chance aux employés d’exceller et de rayonner dans l’entreprise et au-delà, notamment par la formation continue.
  • Mesurer de façon quantitative et qualitative, et en continu, le niveau d’engagement des employés pour avoir une meilleure vision des enjeux, ce qui permet aussi de prendre action sur ces derniers.

Références bibliographiques

  • VÉZINA, Michel et al. (1992). Pour donner un sens au travail. Bilan et orientations du Québec en santé mentale au travail. Boucherville, Gaëtan Morin Éditeur, 179 pages.
  • PAREKH, Ranna (2015, septembre). Warning Signs of Mental Illness. American Psychiatric Association.
  • KUTLU, Nadielle (2018, 10 mars). Brown-out, ou l’insignifiance du travail. La Presse.
  • BAUMANN, François (2017). Le brown-out. Quand le travail n’a plus aucun sens. Paris, Éditions Josette Lyon, 165 pages.

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