La pénurie de main-d’œuvre touche plusieurs secteurs d’emploi. On manque aussi bien d’opérateurs de grue que de programmeurs ou de serveurs de restaurant. Pour faire face à cette réalité, des entreprises choisissent de développer leur propre talent en interne.

Olivier Charron, CRHA, vice-président et directeur des ressources humaines chez Ray-Mont Logistiques, a une vision très claire de ce à quoi le recrutement ressemblera dans l’avenir : « Je crois que nous devrons recruter les employés de plus en plus jeunes — des stagiaires, des étudiants à l’université — et les faire entrer tôt dans les entreprises, explique-t-il. Un peu comme la LNH le fait en allant chercher des juniors de 15 ou 16 ans… ». En fait, cette vision s’aligne parfaitement avec la culture de promotion en interne mise en place chez Ray-Mont Logistiques.

« Chez nous, un employé engagé comme camionneur peut devenir répartiteur, puis directeur du transport, explique Olivier Charron. Nous formons nos employés en interne. C’est une nécessité pour nous : l’entreprise grossit de 30 % par an depuis 8 ans. Donc, il y a toujours un nouveau projet qui arrive ! ».

Définir ses valeurs d’abord

Pour Monia Boulais, CRHA, consultante en gestion des ressources humaines, l’étape préalable à l’instauration d’une culture de promotion en interne est de revoir les valeurs d’entreprise :

« On doit se poser la question : qu’est-ce qu’on valorise comme comportements au sein de notre entreprise ? Ce travail permet d’identifier les gens qui ont un bon fit organisationnel. Ce sont des gens qui aideront l’entreprise à maintenir ses valeurs dans le temps, tout en étant heureux et motivés dans leur emploi. »

Olivier Charron abonde dans le même sens. « Je crois que c’est notre culture axée sur six valeurs fortes (l’attitude, la performance, la flexibilité, l’innovation, la qualité et l’engagement) qui favorise la progression de nos employés, dit-il. Ceux qui deviennent gestionnaires peuvent fonder leurs décisions sur ces valeurs, et ça les aide à jouer ce rôle. »

« En formant nos meilleurs employés en interne, conclut-il, on se rend compte qu’ils deviennent de très solides leaders. ».

Prévoir plus d’un parcours

Bien sûr, tous les employés ne sont pas destinés à devenir gestionnaires. « On doit d’abord valider leur intérêt, dit Monia Boulais. Certains n’ont pas cette ambition; ils préfèrent être des spécialistes. Il peut y avoir plusieurs parcours de développement dans une même organisation. ».

Olivier Charron l’observe au sein de ses équipes. « À Montréal, nous avons deux directeurs des opérations qui ont suivi le même parcours : ils sont arrivés chez nous comme journalier et ils ont gravi les échelons jusqu’à un poste de direction. ».

« À côté de cela, ajoute-t-il, j’ai un autre employé qui est, selon moi, un des meilleurs opérateurs de machinerie lourde au Canada. Il a été gestionnaire quelque temps, puis il a préféré retourner comme opérateur. C’est bien comme cela. Tant qu’un employé est capable d’incarner et de transmettre nos valeurs, il peut progresser dans l’entreprise. ».

Travailler en amont

Dans une PME, les besoins de main-d’œuvre sont parfois imprévisibles : un employé démissionne, on décroche un contrat inattendu. « Dans ces situations, on n’a pas le temps de former une personne sur-le-champ, explique Monia Boulais. C’est ce qui force plusieurs PME à recruter en externe, car une culture de promotion en interne, ça se prépare… ».

On doit entre autres mettre en place un accompagnement, sous forme de mentorat, de coaching ou de formation technique ou de gestion. Ce sont des mesures déjà présentes chez Ray-Mont Logistiques : « Il nous arrive de payer des formations en informatique ou en anglais à nos employés. Nous offrons aussi du mentorat à ceux qui visent un nouveau poste. Le mentor est soit une personne qui occupe déjà le poste convoité, soit l’un de nos V.-P.. Les rencontres s’échelonnent sur deux ou trois ans, le temps qu’ils soient assez aguerris pour se lancer dans la mêlée. ».

Monia Boulais souligne en outre l’importance d’une transition progressive : « Si on parachute une personne d’un poste où elle est compétente à un poste où, soudainement, elle a des failles et ne répond pas aux attentes, sa confiance va en prendre un coup et sa performance risque de décliner. C’est là que l’on voit des gens quitter les organisations. ».

La conseillère propose une transition par étape : « On donne l’occasion à la personne de vivre un premier succès et de bâtir sa confiance, en lui transférant des responsabilités de manière progressive. En fin de compte, elle sera plus performante… plus rapidement ! ».

Voir aussi