La marche à suivre pour mettre fin au lien d’emploi d’un salarié en raison de son rendement insatisfaisant ou de son incompétence est bien établie en jurisprudence.

En effet, depuis l’arrêt Costco Wholesale Canada Ltd c. Laplante1, avant de procéder à un congédiement de nature administrative pour l’un ou l’autre de ces motifs, tout employeur doit satisfaire aux exigences suivantes :

  1. le salarié doit connaître les politiques de l’entreprise et les attentes fixées à son égard;
  2. ses lacunes doivent lui avoir été signalées;
  3. il doit avoir obtenu le soutien nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
  4. il doit avoir bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster;
  5. il doit avoir été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part.

Ces exigences sont encore rigoureusement appliquées par la jurisprudence récente. Les exemples suivants nous permettent d’ailleurs de tirer quelques leçons concernant les meilleures pratiques à appliquer pour procéder à ce type de congédiement.

Exemples jurisprudentiels récents

Dans l’affaire Steward2, le Tribunal administratif du travail a annulé le congédiement pour incapacité à répondre aux exigences du poste d’un diplômé universitaire et chargé de projet en gestion environnementale. L’employeur ne lui avait pas réellement permis de démontrer sa capacité à répondre aux besoins de l’entreprise. De plus, il ne l’avait informé de ses lacunes qu’au moment de son congédiement, sans lui accorder de délai raisonnable ni lui fournir le soutien requis pour lui permettre de s’amender.

Dans l’affaire Bouasse3, la Cour supérieure a conclu que l’employeur n’avait pas démontré qu’il avait congédié son employé pour un motif sérieux (il s’agit ici d’un rendement insuffisant); en effet, ses lacunes et les attentes de l’entreprise à son égard ne lui avaient pas été formulées avec suffisamment de clarté.

À l’inverse, lorsque l’ensemble des critères énumérés ci-dessus sont respectés, le congédiement est généralement maintenu. Par exemple, dans l’affaire Ravaoarinoro4, l’employeur avait congédié la salariée en raison de son impossibilité à accomplir les tâches liées à son emploi. Le Tribunal administratif du travail a retenu qu’avant son congédiement, la plaignante avait reçu un soutien adéquat de l’employeur et avait été clairement avisée du risque de congédiement si elle n’améliorait pas sa performance au travail. En ce cas, le délai d’environ quatre mois donné par l’employeur à la plaignante pour s’améliorer a été jugé raisonnable5.

Considérations pratiques

Un nombre imposant de décisions sur ce sujet est publié chaque année. Les exemples récents illustrent bien qu’en matière de congédiement administratif pour cause de rendement insuffisant ou d’incompétence, tout employeur doit s’assurer de satisfaire l’ensemble des critères énoncés par la Cour d’appel dans l’affaire Costco. De plus, certains décideurs ajoutent que l’employeur doit démontrer qu’il a agi de bonne foi.

Dans de telles circonstances, il faut donc s’assurer de documenter soigneusement :

  • les moyens utilisés pour communiquer les politiques et attentes de l’entreprise à l’employé (courriels, notes de service, accusés de réception, rencontres, etc.);
  • les démarches entreprises pour signaler ses lacunes à l’employé (quand, par qui, sujets discutés lors de rencontres, etc.);
  • les outils et moyens proposés ou mis à la disposition de l’employé pour qu’il puisse s’améliorer (formations, coaching, etc.);
  • les échéanciers convenus (plan d’amélioration de performance);
  • les moyens par lesquels l’employé a été avisé du fait qu’à défaut de s’améliorer, son emploi était en péril (lettres, courriels, notes de rencontres, etc.).

Cet article a été rédigé avec la collaboration de MDave Bouchard, avocat, Lavery avocats

1 2005 QCCA 788.

2 Steward et WSP Canada inc., 2016 QCTAT 2714.

3 Bouasse c. Gemme Canadienne P.A. inc., 2016 QCCS 1263.

4 Ravaoarinoro et Centre hospitalier de l’Université de Montréal 2016 QCTAT 2042.

5 Pour un autre exemple de cas de congédiement pour performance inadéquate maintenu, voir Breault c. Services Bombardier Aéronautiques ltée, 2016 QCTAT 11.

 

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