Il n’est pas rare d’entendre que les employés représentent le capital le plus important pour une entreprise. Alors, comment se fait-il que plusieurs entreprises optent pour la rationalisation des effectifs en période de récession? Il est essentiel d’analyser cette question, car cette stratégie qui peut sembler la plus rentable à court terme peut s’avérer lourde de conséquences à long terme.
Lors de mises à pied temporaires ou permanentes, il y a rupture du contrat psychologique traditionnel. Ce contrat est un engagement moral où l’employeur, en échange de la loyauté des employés, leur garantit une sécurité d’emploi. Cette rupture de contrat peut avoir des effets néfastes à long terme sur le climat, la motivation et la performance des employés. L’entreprise risque de faire face à ce que l’on nomme le « syndrome du survivant ».
Les symptômes
Ce syndrome comporte un ensemble de symptômes qui peuvent affecter les employés restés en poste après une restructuration. Il s’observe à plusieurs signes tels que colère, culpabilité, sentiment d’injustice, méfiance envers la direction, démotivation, surcharge de travail, baisse de productivité, cynisme, épuisement et départ des employés compétents. Une étude américaine de David Noer a démontré que, même cinq ans après la rationalisation des effectifs, ces symptômes étaient toujours présents au sein des entreprises de l’échantillon.
Des coûts directs et indirects importants
La rationalisation des effectifs peut générer des coûts imprévus. Une étude démontre que moins de 50 % des entreprises qui se sont réorganisées réussissent après cinq ans à augmenter leur résultat d’exploitation conformément à leurs objectifs initiaux (Caplan). Les coûts les plus importants sont associés à la baisse de productivité, à l’épuisement relié à la surcharge de travail, à la perte de compétences et de mémoire organisationnelle et au remplacement des employés compétents qui quitteront éventuellement l’entreprise.
Comment minimiser les impacts négatifs
Une entreprise qui n’a pas d’autre choix que de congédier ses employés pour assurer sa survie doit respecter certaines règles :
• s’assurer que les mises à pied sont effectuées avec éthique et humanité; il faut faire preuve de transparence sur la situation financière de l’entreprise et soutenir les employés dans la recherche d’un nouvel emploi;
• outiller les gestionnaires de premier niveau afin qu’ils puissent gérer adéquatement ce phénomène au sein de leur équipe;
• soutenir les employés en poste dans leur processus de deuil; entendre leurs frustrations et leurs insatisfactions; les former afin qu’ils puissent assumer la nouvelle charge de travail ou les nouvelles responsabilités;
• investir dans le développement de l’employabilité des employés remerciés et de ceux qui demeurent en poste; favoriser le développement de carrière;
• présenter et communiquer une vision claire, lucide et inspirante de l’avenir.
La créativité, source de mobilisation
Dans un contexte économique difficile, pourquoi ne pas s’appuyer sur la créativité des employés plutôt que de les remercier? Il est possible de miser sur une offensive commerciale ou sur le développement d’affaires, d’impliquer les employés dans l’analyse et l’optimisation des processus de travail et d’évaluer avec eux la possibilité de réduire le temps de travail ou de revoir temporairement à la baisse les salaires.
Même si, par ces stratégies, les employés conservent leur poste, l’entreprise n’est pas à l’abri du syndrome du survivant. Si des mesures comme la réduction de salaire deviennent permanentes et que l’entreprise retrouve sa rentabilité, il est fort probable qu’elle soit malgré tout confrontée à ce phénomène.
Pour réussir à mobiliser les employés dans des mesures de redressement, il est primordial qu’ils voient la légitimité de cette restructuration pour la survie de l’entreprise. Si, au contraire, toute cette opération vise seulement à accroître la valeur de l’action, il y a de fortes chances pour que le lien de confiance soit brisé à jamais.