Depuis les travaux menés par Adrien Payette et Claude Champagne au début des années 1990, le codéveloppement a connu un essor remarquable au Québec en raison de la qualité des résultats généralement obtenus par tous ceux qui l’ont expérimenté.
Pourquoi en est-il ainsi?
Revenons d’abord sur l’approche. Au sein d’un petit groupe, un participant (qu’on nomme client) expose une préoccupation. En réponse aux questions des autres participants (qu’on nomme consultants) visant à clarifier cette préoccupation, ce client formule clairement le sujet de la consultation et la forme d’aide qu’il recherche. S’ensuit une étape où les consultants exposent librement leurs points de vue, réactions, impressions, perceptions et suggestions.
La phrase clé à cette étape est la suivante : « Comment puis-je aider ce client? » Fort de tout ce qui a été dit, le client a l’opportunité, à l’étape suivante, de dégager une synthèse et de formuler des hypothèses d’action. Un miniplan d’action peut déjà être proposé sur lequel on reviendra à la rencontre suivante du groupe. Finalement, une dernière étape consiste à évaluer le déroulement de la rencontre, ce qu’on a retenu et appris, les leçons qu’on en tire, ce à quoi on pourrait faire attention la prochaine fois, etc. Une telle démarche se déroule facilement en une petite demi-journée et prévoit de refaire l’exercice avec un autre client membre du groupe lors d’une rencontre ultérieure.
Le codéveloppement est une démarche très peu coûteuse qui se veut à la fois souple et rigoureuse. Elle réussit généralement à faire évoluer la pratique professionnelle à partir des expériences des autres dans un climat d’entraide, de respect, et ce, toujours dans un cadre où la confidentialité est de mise. À cet effet, un animateur chevronné s’assure de la présence des conditions de succès. Très souvent, en dénouant une préoccupation, elle permet au client de sortir d’une situation qui le paralyse ou qui le freine dans son développement.
Pourquoi cette approche peut-elle profiter aux praticiens RH en PME?
Nous savons que le métier de gestionnaire en ressources humaines est exigeant. Nul ne peut prétendre en maîtriser toutes les facettes. C’est aussi une profession qui évolue dans un environnement changeant auquel il faut s’adapter. Les réponses passées à une situation ne sont pas toujours celles qui sont appropriées maintenant. Plusieurs réponses peuvent également être bonnes.
De fait, il n’y a pas qu’une seule façon d’exercer ce métier avec compétence. Les professionnels RH qui œuvrent dans les grandes organisations voient souvent leurs interventions circonscrites dans un champ précis, comme la dotation. On laisse ainsi le soin aux collègues d’investir les autres champs comme la rémunération, le développement des compétences ou les relations du travail. C’est ainsi que se développe une spécialisation qui assure à celui qui l’assume, avec le temps, un niveau relatif de confort.
En PME, la réalité est tout autre. La Direction de l’analyse économique du ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations indique qu’en 2013, 98 % des emplois québécois se trouvaient dans des entreprises comptant moins de 100 employés, où il y a généralement un responsable des ventes et un contrôleur, mais probablement pas de professionnel en ressources humaines.
En effet, rares sont les PME de cette taille qui jugent prioritaires d’embaucher un professionnel RH, qui en ont la capacité financière ou qui ont la masse critique d’employés pour justifier la création d’un tel poste. C’est donc dire qu’à partir du moment où un tel poste est créé dans une PME, la probabilité que son titulaire assume seul l’ensemble des responsabilités relatives aux ressources humaines est très grande. Il est fort probable que cette personne doive fréquemment sortir de sa zone de confort, tout en se sentant parfois isolée du seul fait qu’elle est la seule représentante de la profession dans son organisation. Voilà pourquoi – sans rien enlever aux autres approches de formation plus traditionnelles – le codéveloppement peut apporter une aide appréciable et concrète au professionnel RH qui doit relever tant de défis dans une PME.
Celui-ci peut parfois croire, à tort peut-être, qu’il est le seul à vivre telle ou telle situation… Cette opportunité de partager ses préoccupations dans une approche rigoureuse avec d’autres pairs le sort en quelque sorte de son isolement et lui permet d’accéder aux savoirs et aux expériences d’autres professionnels en ressources humaines. La richesse des apprentissages ainsi réalisés conforte le professionnel RH dans l’exercice de sa profession et l’aide à tirer son épingle du jeu dans des situations jugées difficiles. Elle lui offre aussi l’occasion de donner à son tour lorsqu’un client manifeste une préoccupation sur laquelle il a un point de vue pertinent à partager. Donner et recevoir, voilà ce que propose la démarche de codéveloppement.