On parle beaucoup du bassin des immigrants pour pallier le manque de main d’œuvre. C’est certes un groupe très porteur, mais les employeurs devraient également considérer les autres bassins de main-d’œuvre provenant de la diversité et qui sont sous-représentés.
« Les entreprises ont des obligations légales à l’endroit de la diversité, rappelle Saba Tania, CRHA et professeure titulaire de la Chaire BMO en diversité et gouvernance de l’Université de Montréal. Généralement, les cadres législatifs canadiens et québécois cherchent à promouvoir la représentation au travail de quatre groupes désignés : les femmes, les minorités visibles ou ethnoculturelles, les personnes handicapées et les personnes autochtones. »
Pourtant, force est de constater que certains de ces groupes demeurent sous-représentés au travail. « Le cas des personnes handicapées est particulièrement prononcé, dit la professeure. Une étude menée à l’université Carleton a montré que les étudiants handicapés n’avaient pas accès aux professions auxquelles ils se destinaient, même avec de bons résultats scolaires. »
En plus des groupes visés par la loi, plusieurs groupes de travailleurs semblent boudés ou ignorés par les employeurs. C’est notamment le cas des jeunes – qui ont un taux de chômage supérieur à la moyenne –, des travailleurs surqualifiés, des semi-retraités, des prestataires de l’aide sociale et des transgenres.
Des pratiques à repenser, de l’embauche à l’intégration
Ouvrir son organisation à la diversité n’est pas une mince tâche. Cela exige de lutter contre les préjugés et les biais inconscients présents dans l’organisation. Cela requiert aussi d’adapter le processus d’embauche aux groupes sous-représentés.
« Dès le départ, on devrait diffuser les offres d’emploi en dehors de son réseau habituel, s’il est peu diversifié, explique Sylvie St-Pierre, CRHA et formatrice en diversité. On devrait aussi s’interroger sur certaines exigences d’emploi. Par exemple, certaines entreprises demandent plusieurs années d’expérience alors que, dans bien des cas, cette expérience n’est ni indispensable ni synonyme de compétence.
D’autres employeurs exigent un français parfait, peu importe le poste. Cela exclut des travailleurs compétents parmi les personnes issues de l’immigration récente ou ayant certains handicaps. »
Le questionnement ne doit pas s’arrêter à l’embauche. « Les gestionnaires de première ligne jouent un rôle critique dans l’intégration de ces employés. Ils doivent porter une attention particulière à la communication des attentes et éviter que les nouveaux employés manquent de soutien ou se retrouvent isolés. Le jumelage est une pratique utile pour éviter l’isolement. »
Les organisations peuvent appuyer leurs gestionnaires en allant chercher de l’aide dans la société civile : « Les différents organismes œuvrant auprès des clientèles visées peuvent constituer d’excellentes ressources, note Sylvie St-Pierre. À titre d’exemple, les organismes membres du Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) offrent de nombreux services et conseils. »
Une note d’espoir
Devant ce défi colossal, la bonne nouvelle est que les dirigeants d’entreprise semblent désormais déterminés à élargir leur définition de la diversité. Saba Tania en témoigne:
« Dans une étude à paraître, menée en collaboration avec l’OCDE et CRHA Canada et à laquelle j’ai participé, nous avons demandé à 1000 entreprises quels groupes elles comptaient prioriser dans les cinq prochaines années. Elles ont répondu qu’elles accorderaient une attention particulière aux personnes handicapées, aux personnes autochtones et aux travailleurs âgés, en plus des efforts déjà déployés envers les autres groupes sous-représentés ».