Attirante sur le plan du cheminement professionnel et personnel, l’accession à des niveaux hiérarchiques intermédiaires ou supérieurs présente son lot de défis importants. D’une part, et bien évidemment, l’étendue des responsabilités croît de façon exponentielle. Toutefois, un autre type de défi surprend souvent ceux qui y accèdent : un défi de sens du travail.

Un contributeur individuel (CI) ou un gestionnaire de premier niveau reste, en général, très près de l’exécution des activités au cœur du fonctionnement d’une entreprise. Faire le lien entre ses activités quotidiennes et le succès de l’organisation est donc plus facile, tant et aussi longtemps que l’organisation structure ses activités pour qu’elles soient facilement reliées à sa raison d’être. Également, les résultats de leurs efforts sont souvent très concrets et immédiats, et la reconnaissance des autres plus fréquente et facile à observer. Cette reconnaissance de la valeur de sa contribution est donc beaucoup plus rapide et se compare facilement à consommer un produit très sucré : l’effet de plaisir est instantané, et notre cerveau adore! Accéder à des postes du niveau de la direction, c’est comme développer des habitudes alimentaires plus saines : c’est à long terme qu’on peut constater les bienfaits de notre persévérance.

En passant à des niveaux hiérarchiques supérieurs, plusieurs chocs, souvent largement sous-estimés, sont donc vécus par ceux qui accèdent à de tels postes et ce, sur plusieurs volets. À titre de CRHA, être sensibilisé à ces chocs pour mieux accompagner ceux qui y sont exposés, pendant cette transition, est donc essentiel. En voici donc quelques-uns et les solutions qu’un CRHA peut les aider à envisager afin de faciliter cette transition.

Sentiment soudain d’incompétence

Les compétences essentielles au succès passé (organisation du travail, suivi et contrôle des activités) ne sont plus celles qui seront liées au succès futur (pensée stratégique, vision, sens des affaires, rentabilité d’entreprise). Le nouvel exécutif passe donc soudainement d’un état de grâce en matière de sentiment personnel d’efficacité à une perception de forte incompétence puisque trop souvent son rôle précédent ne lui a pas permis de développer ces nouvelles habiletés essentielles à son succès.

On peut facilement imaginer un partenaire d’affaires jouer un rôle clé à ce niveau. En effet, accompagner un cadre dans cette période transitoire en l’aidant à faire davantage preuve d’autocompassion demeure l’une des premières stratégies à envisager pour l’aider à faire face à ce défi. Lui rappeler qu’il a ressenti la même chose lorsqu’il a commencé l’emploi précédent, de même pour tous les autres changements de poste antérieurs. La seule différence, c’est que cela fait souvent longtemps que cela ne lui était pas arrivé. Cela étant dit, il peut être envisageable de voir comment son organisation pourrait être plus proactive pour tenter de prévenir ce défi en explorant comment le cadre supérieur en devenir pourrait, dans son poste précédent, prendre en charge certaines des tâches de son supérieur immédiat avant d’accéder à son nouveau niveau de responsabilité.

Contribution redéfinie à la résolution de problèmes internes

Trop de cadres supérieurs profitent des problèmes qui émergent à l’interne pour replonger dans les opérations à bras grands ouverts, un retour aux sources. L’envie est souvent trop forte, comme pour le sucre, car c’est l’occasion idéale de ressentir à nouveau un haut sentiment de contribution. En réalité, c’est une erreur majeure. La valeur ajoutée d’un cadre supérieur, c’est de créer un environnement de travail qui donne le droit à l’erreur, qui permet de regrouper les personnes clés qui, ensemble, sauront trouver les solutions aux problèmes organisationnels. C’est d’offrir du temps comme mentor ou coach, non pas pour donner les solutions, mais bien pour aider les gens à mieux réfléchir afin d’éviter que de tels problèmes émergent à nouveau. Éteindre des feux ne fait pas partie des responsabilités d’un cadre supérieur. C’est ce type de changement de paradigmes que le CRHA peut aider le nouvel exécutif à faire.

Valeur ajoutée plus difficile à mesurer

Ce sont les gestionnaires et les employés du dirigeant qui exécutent ultimement le travail, alors que son rôle touche davantage la direction à prendre, les grandes priorités à cibler, les marchés à explorer. Pour lui, la mesure de cause à effet devient donc beaucoup plus floue qu’auparavant.

Première chose à faire face à ce défi pour bien accompagner un nouvel exécutif : voir comment il pourrait varier les objectifs qu’il se donne. Au lieu de les lier spontanément à la seule mesure de productivité et de qualité du travail accompli par ses employés, explorer d’autres thèmes comme la mobilisation, la motivation, le taux de rétention des employés, etc. Ensuite, comment définir des objectifs à court terme, comme la réussite de la dotation d’un poste, la résolution d’un problème par l’équipe, qui pourrait lui permettre de réaliser de petits succès de temps en temps, plutôt que de mesurer sa valeur ajoutée uniquement par des changements de grande envergure. Revoir également ses attentes en matière de reconnaissance des autres, car plus il progressera sur le plan hiérarchique, moins il en recevra, indépendamment de la valeur de sa contribution. Cette valeur ajoutée vient davantage du fait d’avoir su retirer des barrières, contribuer à structurer l’environnement de travail pour qu’il soit plus propice à l’efficience et donner accès aux ressources humaines, financières ou matérielles nécessaires à la réalisation des projets.

En réalité, le cadre supérieur saura donner du sens à son travail en en donnant un aux autres. C’est lui qui a la responsabilité de créer un environnement de travail où son équipe développe de la fierté d’en faire partie, où ses membres comprennent l’importance de leur contribution individuelle, où les processus de prise de décision sont clairement définis, où la confiance règne, tout en assurant un contrôle des activités, où, en réalité, les valeurs et les priorités sont connues et vécues au quotidien. Bien sûr, il s’agit-là d’objectifs qui prennent davantage de temps à atteindre, indépendamment de la qualité des solutions envisagées pour y arriver. On dit que « la patience est mère de toutes les vertus », pour un dirigeant, elle est essentielle!

Réf. A. Marchand, M.-È. Blanc et P. Durand, « Genre, catégorie professionnelle, secteur économique et santé mentale en milieu de travail : les résultats de l’étude SALVEO », Canadian Journal of Public Health, mai-juin 2015.

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