La compétition en provenance des pays émergents, l’évolution fulgurante des goûts et des besoins des consommateurs, l’arrivée de nouvelles technologies radicalement différentes… Tout cela remet continuellement en cause le modèle d’affaires des entreprises, qui sont de plus en plus nombreuses à se demander : sommes-nous assez innovateurs? Si nous ne faisons rien, allons-nous frapper un mur? Avons-nous la bonne structure pour répondre à nos enjeux?

Les réponses sont multiples et variées; mais l’une des principales erreurs est de mettre toute son énergie sur ses produits et services, ou sur son modèle d’affaires, et d’induire ainsi une pression terrible sur les gestionnaires et les employés pour qu’ils trouvent rapidement une solution. Or, la créativité ne s’invente pas. La question ne doit pas être posée en termes de résultats attendus, mais plutôt en termes d’ingrédients fertilisants de la créativité : est-ce que l’ADN de l’organisation lui permet d’innover et de rester compétitive?

À cette question, nos recherches nous ont amené à proposer une réflexion portant sur les 6 leviers stratégiques de l’innovation.

Levier 1 – Les employés. Mes employés sont-ils suffisamment créatifs, c’est-à-dire curieux, passionnés, agiles intellectuellement? Mes leaders sont-ils suffisamment stratégiques, ouverts au changement et sur le reste du monde? Mes gestionnaires ont-ils les bons réflexes afin de favoriser l’éclosion de nouvelles idées au sein de leurs équipes?

Levier 2 – Les croyances. Notre mission est-elle d’innover? Si c’est le cas, est-ce bien compris et partagé par l’ensemble des employés, partenaires et administrateurs? Nos valeurs soutiennent-elles une mission d’innovation? La confiance et la passion (par exemple) font-elles partie de notre ADN organisationnel?

Levier 3 – Les rituels de gestion. Notre structure favorise-t-elle les échanges entre les équipes et les paliers de gestion? Nos programmes de gestion appuient-ils la diversité, la rétroaction régulière et la reconnaissance des équipes les plus créatives? Notre usage des technologies nous permet-il de fonctionner en réseau, comme des écosystèmes fluides et variables en fonction des projets ou des enjeux?

Levier 4 – Le climat de travail. Il n’y a pas de créativité sans passion et plaisir. Est-ce que c’est le « fun » de travailler chez nous? Savons-nous coopérer pour générer de nouvelles idées et collaborer pour les exécuter? Sommes-nous capables de passer d’un mode de gestion à l’autre tout en gardant cette énergie positive, cette envie de changer les choses et de bousculer les idées?

Levier 5 – Les enjeux et défis. Sommes-nous confrontés à des défis majeurs? Il n’y a pas de créativité et d’innovation sans pression. Nos systèmes de retraite, d’éducation ou de soins de santé au Canada ne changeront pas tant que nous ne serons pas mis au pied du mur. En attendant, toutes les excuses sont bonnes pour ne pas agir. Même chose au sein des entreprises. Si le marché, les clients, les compétiteurs, les tendances, les technologies ou tout autre facteur perturbateur ne mettent pas une pression forte et constante sur la nécessité de trouver de nouvelles solutions, il y a peu de chance que l’entreprise soit capable de rester en mode innovation.

Levier 6 – L’écosystème. Suis-je soutenu par mon écosystème? Qui en fait partie? Législateurs, clients, fournisseurs, compétiteurs, communauté… Sont-ils conscients de ma mission d’innovation et engagés par rapport à elle? Sont-ils des freins ou des accélérateurs de ma croissance organisationnelle?

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Ces six leviers sont la prémisse d’une réflexion en profondeur que doit mener l’organisation afin d’entreprendre les changements essentiels pour créer les conditions nécessaires à l’innovation.

  1. Cette réflexion doit se faire non seulement au niveau du comité de direction, mais également à travers l’ensemble de l’organisation.
  2. L’administration d’un questionnaire ciblé sur les 6 leviers et l’animation de groupes de réflexion permettent d’amener des pistes de changement qui doivent être intégrées au plan stratégique de l’entreprise :
    1. Pourquoi innover? Quels sont les défis auxquels nous faisons face et quel est notre écosystème?
    2. Quels sont les freins ou les accélérateurs relativement à la gestion de la créativité et de l’innovation? Comment y remédier?
    3. Quelle feuille de route (roadmap) mettre en place et comment gérer le changement?
      Les résultats des études et groupes de réflexion doivent être débattus de façon transparente, le consultant jouant un rôle d’animateur et non pas de conseiller expert.
  3. Le plan de match doit absolument être développé par les leaders de l’organisation qui doivent au passage faire une introspection de leurs propres comportements et habitudes de gestion. Innover, c’est excitant et inquiétant : Sommes-nous capables d’assumer le risque sans perdre la bonne humeur? Comme l’a si bien dit Robert F. Kennedy : « Seuls ceux qui osent échouer en grand peuvent réussir en grand ». Alimenter une culture du risque et de l’acceptation de l’échec est cruciale pour soutenir l’innovation au sein de toute organisation.
  4. Le leader des ressources humaines doit être le parrain de l’initiative, car les leviers sont principalement humains. Sa capacité stratégique et créative doit être un déclencheur du processus plus global de réflexion.
  5. Dans cet esprit, les stratégies de gestion des ressources humaines, que ce soit l’acquisition, la gestion, le développement ou la reconnaissance du talent, doivent être une des réponses aux trois défis de la créativité et de l’innovation : Ai-je les bonnes personnes en place? Ai-je la bonne culture? Ai-je les bons outils et rituels de gestion?

Pour aller plus loin : suggestion de lecture

In Search of Excellence : Lessons from America’s Best-Run Companies (Thomas J. Peters et Robert H. Waterman, Jr., 2006, First Collins Business Essentials)

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