Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, surtout pour les postes techniques, les entreprises n’ont pas le choix : elles doivent augmenter les salaires. Mais quand on est une PME avec des moyens limités, comment réussir à tirer son épingle sur jeu sans tomber dans la surenchère des salaires ?
Lorsqu’on regarde la vidéo YouTube du congrès 2019 de l’entreprise Coffrages Synergy, on sent bien la fierté et l’enthousiasme des employés. Tout sourire, plusieurs portent la casquette et le coton ouaté à l’effigie de l’entreprise.
« Personne n’oblige les employés à porter les couleurs de l’entreprise, précise Roxanne Desrochers, CRHA, vice-présidente des ressources humaines chez Coffrages Synergy. Mais il y a une fierté de travailler chez nous. On a toujours eu une marque employeur forte, axée sur des valeurs familiales. ».
Ces valeurs familiales s’incarnent de mille façons : cadeau à domicile lors de la naissance d’un enfant, invitation des conjoints au congrès annuel, journée familiale annuelle. S’ajoute à cela une politique de transparence des communications et de nombreux accommodements au travail, comme un service de chauffeur pour les employés sur la route.
Le résultat d’une marque employeur forte : « C’est gênant à dire, mais on ne vit pas vraiment la rareté de main-d’œuvre… On reçoit des CV pour des postes qui ne sont pas encore affichés. C’est une chance, car nous sommes passés de 250 à 1200 employés en 5 ans. ».
Écoute et flexibilité
HumanWare fabrique des produits technologiques pour la vision. Depuis quelques années, elle éprouve de la difficulté à pourvoir ses postes d’ingénieurs et de techniciens, mais aussi de représentants aux ventes. Si bien qu’elle a dû revoir son échelle salariale à la hausse. Elle est aussi passée en mode écoute, pour mieux comprendre les besoins de son personnel.
« On a formé des comités pour écouter nos employés, explique Annie Beaudoin, c.o., directrice des ressources humaines chez HumanWare. Une des choses qui en est ressortie, c’est qu’ils désiraient s’attaquer aux problèmes environnementaux. On a donc fondé un comité écologique qui fonctionne très bien en ce moment. On offre aussi des heures payées de bénévolat. ».
HumanWare analyse aussi les « entrevues de sortie » des employés qui ont quitté l’entreprise. « Cet exercice nous donne une idée de ce que l’on doit changer », explique la directrice RH.
Varitron est un manufacturier de pièces électroniques faisant face au même défi de recrutement. « Il y a très peu de manufacturiers d’électronique au Québec. Et donc, il y a très peu de main-d’œuvre qualifiée dans ce domaine », explique Joëlle Bellavance, CRHA, directrice des ressources humaines.
La PME paie déjà le gros prix pour attirer ou retenir des talents. Pourtant, jusqu’à récemment, des postes de représentant aux ventes demeuraient vacants plusieurs mois. C’est pourquoi l’entreprise a décidé d’élargir son bassin de recrutement vers l’Ontario et le sud des États-Unis, en offrant une possibilité de télétravail.
« Nous embauchons des gens qui font le trajet quelques fois par semaine depuis leur région, explique Joëlle Bellavance. Le reste du temps, ils travaillent de la maison. Il a fallu convaincre certains gestionnaires sceptiques. Et il a fallu équiper ces employés avec les bons outils technologiques. ».
Trois ans plus tard, cette mesure de flexibilité « géographique » a complètement changé la donne. Le taux de roulement a diminué et le temps pour pourvoir un poste également.
Visibilité et transparence
La rareté de la main-d’œuvre est aujourd’hui telle qu’on assiste à une véritable « guerre des talents ». Il ne suffit donc pas de payer le bon prix, encore faut-il gagner la confiance des professionnels que l’on veut recruter.
« On s’est rendu compte qu’on ne peut pas attendre les candidatures par le biais d’un affichage standard sur un site Web, explique Annie Beaudoin. Il faut vraiment être proactif et travailler sur notre marketing RH. Comment on se définit en tant que compagnie, qu’est-ce qui nous démarque ? ».
Il faut savoir que les entreprises n’hésiteront pas à débaucher des talents chez le concurrent. Marc Chartrand, CRHA, associé et consultant principal chez PCI-Perreault Conseil, suggère aux entreprises de tendre vers une plus grande transparence des salaires, pour contrer l’effet du maraudage.
« Quand on peut dire à un ingénieur junior quel sera son salaire lorsqu’il obtiendra tel ou tel niveau de compétence ou de rendement, ça lui donne une vision de son parcours dans l’entreprise. Il sait à quoi s’attendre », dit-il.
Les entreprises n’ont bien sûr pas à dévoiler les salaires du jour au lendemain. « C’est une chose que l’on fait quand la maison est en ordre, et que la politique de rémunération est bien structurée », précise le conseiller. Voilà une piste peu coûteuse pour atténuer l’effet de séduction d’un recruteur trop insistant !