La cascade de révélations médiatiques dans la foulée du mouvement #MeToo rappelle aux gestionnaires leur obligation de prévenir et de sanctionner le harcèlement sous toutes ses formes.

La Loi sur les normes du travail impose aux entreprises de garantir à leurs employés un milieu de travail sain et exempt de tout harcèlement. Depuis l’entrée en vigueur de cette obligation en 2004, beaucoup d’entreprises ont adopté des politiques et organisé des sessions d’information pour leurs employés. Le harcèlement sexuel se trouvait inclus dans ces initiatives générales contre le harcèlement psychologique, puisque la loi ne les distingue pas spécifiquement.

Or, la série de révélations fracassantes de l’automne 2017 a mis en lumière que le harcèlement sexuel était encore trop souvent présent dans un contexte professionnel. Marie-Josée Douville, CRHA, présidente, enquêtrice et médiatrice de la firme de consultants en ressources humaines Drolet Douville, de Québec, a senti l’impact de cette prise de conscience sociale.

« Beaucoup d’employeurs sentent le besoin de mettre à jour leurs pratiques, dit-elle. Ils souhaitent mieux identifier certains comportements que, peut-être, ils toléraient ou auxquels ils ne prêtaient pas attention, mais dont tout le monde comprend aujourd’hui qu’ils pourraient être considérés comme du harcèlement sexuel. »

Aux dirigeants de PME qui veulent mettre à jour leurs dispositifs de prévention du harcèlement, et à ceux qui sont sensibilisés à la question pour la première fois, Marie-Josée Douville suggère trois conseils de base :

  1. Montrez l’exemple par votre comportement

« Si une organisation endosse un message clair de tolérance zéro face à certains comportements, cela doit d’abord se refléter dans la conduite de ses dirigeants », indique Marie-Josée Douville.

Pour le chef d’entreprise et ses cadres, il ne s’agit pas seulement de ne pas faire de faute. Il faut aussi encourager, par son comportement, un climat ouvert, confiant et collaboratif.

Il y a deux ans, un sondage révélait que l’absence d’un simple « Bonjour ! » le matin est l’un des comportements de dirigeant qui crée le plus de malaise chez ses employés. « Si je suis réceptionniste et que, chaque matin, je salue mon patron pour l’accueillir, alors qu’il ne répond jamais et fait comme s’il ne me voyait pas, je peux être blessée par ce comportement répétitif et en souffrir, explique Marie-Josée Douville. Un employé peut se sentir harcelé par un supérieur même si celui-ci n’a nullement l’intention de lui nuire. »

  1. Habitez votre milieu de travail pour déceler et désamorcer les situations à risque

Au-delà de son propre comportement, un dirigeant devrait garder l’œil ouvert pour déceler les comportements problématiques et les situations à risque. « J’encourage les gestionnaires à prendre le temps d’aller sur le plancher, de voir comment sont les rapports entre les employés et avec leurs superviseurs, et de rester alertes pour identifier tout problème le plus tôt possible », dit Marie-Josée Douville.

Voit-on un employé manger seul alors que les autres sont en groupe ? Entend-on dans les couloirs de l’humour de vestiaire ? Voit-on systématiquement les participants d’une réunion grimacer, sourire ironiquement ou lever les yeux au ciel dès que tel ou tel collègue prend la parole ? Un employé peut subir ces comportements comme des attaques répétées et vexatoires.

  1. Adoptez une politique claire de prévention et d’intervention

Pour être plus positives, certaines entreprises préfèrent l’appeler « politique de promotion du respect et de la civilité au travail ». Quel que soit son nom, une politique écrite est un outil extrêmement utile qui guide les gestionnaires et évite des surprises aux employés. « Une fois la procédure connue de tous, si un gestionnaire doit intervenir, il ne sera pas soupçonné de le faire d’une façon arbitraire par rapport à tel ou tel employé », dit Marie-Josée Douville.

Selon elle, une bonne politique devrait au moins inclure :

  • la formulation d’un engagement de l’entreprise contre le harcèlement et les comportements inacceptables ;
  • à qui et dans quelles circonstances la politique s’applique ;
  • les mesures qui pourraient être prises en cas de manquement ; et
  • les mécanismes permettant aux employés de signaler les problèmes et ceux favorisant leur règlement.

« Le dépôt d’une plainte pour harcèlement à la CNESST par un employé devrait être le tout dernier recours, parce que c’est très coûteux pour l’employeur, en temps et en argent, mais aussi pour l’ambiance de travail et la productivité si les liens d’emploi sont maintenus par la suite », remarque Marie-Josée Douville.

Il n’y a aucune raison de tomber dans la paranoïa ni d’aseptiser le milieu de travail en décourageant tout humour ou en évitant toute activité sociale associée à l’entreprise. Mais la vague de fond qui a révélé l’ampleur du harcèlement sexuel dans le monde du travail est une bonne occasion de consulter un CRHA pour voir comment bien baliser les comportements à risque dans son entreprise.

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