Malgré que votre organisation applique une politique en matière d'harcèlement psychologique, voilà qu’un membre du personnel vous dépose une plainte de harcèlement en bonne et due forme. Après vous être assuré de répondre à vos obligations et avoir tenté d’intervenir en offrant un choix alternatif de mécanismes de règlements qui s’est avéré infructueux, vous prenez la décision d’octroyer un mandat d’enquête à l’externe.

Constitution d’une banque de référence

Le bouche-à-oreille dans votre réseau est d’abord le premier réflexe que vous devriez avoir, si vous n’avez pas préalablement constitué une banque de ressources potentielles. Certains des sites d’ordres professionnels, comme l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, proposent une telle banque. Vous pouvez alors être assuré que les personnes suggérées sont soumises à un code d’éthique et de déontologie, ce qui constitue une valeur ajoutée à ne pas négliger. Restera par la suite à vous assurer que l’une de ces ressources répond à votre besoin.

La constitution d’une banque de ressources est essentielle ainsi que sa mise à jour. Il n’est pas recommandé de recourir automatiquement aux services d’une seule et unique ressource pour tous vos dossiers d’enquête, et ce, toujours dans un souci de transparence et d’impartialité. Dans certaines situations, il sera préférable de privilégier le choix d’un enquêteur féminin plutôt que masculin ou vice versa. Certaines de ces ressources peuvent ne pas être disponibles au moment où vous en avez besoin, et générer des délais supplémentaires peut aussi avoir un coût. Bref, n’attendez pas nécessairement d’avoir besoin d’une telle ressource spécialisée pour amorcer vos recherches.

Expertises recherchées

Encore faut-il savoir quelles expertises rechercher. Une enquête administrative en matière de harcèlement peut s’avérer vite onéreuse. C’est pourquoi l’établissement du mandat est important. Dès le départ, soyez clair sur le budget dont vous disposez. L’enquêteur pourra ainsi circonscrire le mandat pour respecter vos contraintes.

Vous devez également vous entendre sur la documentation qui vous sera fournie au terme de ce mandat. Le rapport doit être suffisamment détaillé pour que vous n’ayez pas à constituer vous‑même la preuve par la suite, advenant d’autres recours. Il ne s’agit pas uniquement de livrer une conclusion, mais bien de rédiger un argumentaire qui démontre qu’elle est conforme à la preuve recueillie.

Malgré la bonne volonté de tous, il est parfois difficile d’établir les délais nécessaires à une telle démarche. Dans le meilleur des mondes, l’enquêteur peut rapidement vous exposer les délais qu’il entend respecter. Par contre, il ne faut pas exclure l’éventualité de report pour absence maladie, indisponibilité des personnes accompagnatrices, etc. Certaines contraintes peuvent être prévisibles ou encore négociées sur le fait. Veillez toutefois à ce que ces entraves au processus d’enquête ne soient pas utilisées comme un outil de manipulation. N’oubliez pas qu’en tout temps, vous êtes lié à votre obligation de prévention et d’intervention. Faire perdurer une procédure d’enquête génère aussi des effets collatéraux sur le climat de travail. Chaque situation est unique, mais une évaluation judicieuse doit être faite lorsque de tels événements viennent entraver la bonne marche de l’exercice.

Informations à transmettre

Il serait opportun de constituer rapidement un dossier complet de la situation. L’enquêteur sera libre de demander l’ajout de certains autres documents tout au long de l’enquête, s’il le juge pertinent. Essentiellement, devront lui être fournis :

  • une copie de la plainte non caviardée ainsi que toutes les pièces justificatives, s’il y a lieu, qui vous ont été remises;
  • un organigramme à jour afin que l’enquêteur puisse comprendre les interrelations professionnelles qui unissent les parties;
  • une chronologie des événements répertoriés ainsi que toutes les actions posées à ce jour. L’ajout des dates pertinentes est important, de même que la durée des rencontres avec un résumé de ce qui a été dit et convenu;
  • une copie de votre politique, car comprenez que celle-ci établit le cadre dans lequel devra s’effectuer l’enquête, notamment pour ce qui est des délais, s’il y a lieu, et de la documentation devant être préalablement fournie aux parties.

Attribution du mandat dans un délai raisonnable

L’enquêteur souhaitera être mandaté dans un délai raisonnable et non à l’échéance de votre propre délai. Trop souvent, lorsqu’on nous contacte, la plainte est restée sur un bureau sans suivi et au moment où vous décidez d’entrer en contact avec nous, nous sommes contraints par des délais souvent irréalistes qui compliquent la coordination des agendas. Le cas échéant, la négociation d’un délai supplémentaire peut être requise, mais rappelons-nous que vous êtes toujours soumis à une obligation de prévention, donc plus vite vous vous acquittez de cette tâche, mieux se porteront le processus et le climat.

Faire preuve de transparence

La transparence est une qualité qui est de mise dans l’amorce d’une telle démarche. Quelquefois, pour vouloir ménager la chèvre et le chou, il vous arrive de nous priver d’informations essentielles à la compréhension de la problématique. L’enquêteur sera à même de déterminer ce qui nécessite d’être approfondi tout au long de l’enquête, mais tentez d’éviter les effets de surprise en jugeant trop hâtivement que certaines informations sont secondaires. Ainsi, l’enquêteur pourra procéder de façon plus éclairée s’il a en main tout le portrait de la situation. N’oubliez pas que l’enquêteur n’est pas là pour porter un jugement sur ce qui a été fait, mais bien pour livrer ses conclusions sur les allégations bien définies de la situation problématique pour laquelle il a été requis. Par ailleurs, par l’entremise des recommandations qu’il vous soumettra en complément de son mandat d’enquête, il pourra élargir ses constats à partir de ce qu’il aura observé.

Conclusion

Le choix de l’enquêteur est crucial dans la bonne marche d’une telle procédure qui, à elle seule, comporte son lot de complexités. N’hésitez pas à faire le bilan de ce que vous avez apprécié ou auriez aimé modifier, une fois l’enquête terminée. La détermination d’un mandat ultérieur n’en sera que bonifiée.

Mais avant toute chose, assurez-vous que la personne plaignante est apte à cheminer dans un processus d’enquête, c’est-à-dire que son état de santé lui permet de saisir la teneur d’une telle procédure, car le cas échéant, les conclusions d’enquête pourraient être renversées ou même invalidées, si tel n’était pas le cas. C’est un pensez-y-bien lorsqu’on considère tout le temps et l’énergie qu’une telle démarche peut exiger.

APPLICATIONS PRATIQUES

Comportements à privilégier par le gestionnaire

  • Garnir son coffre à outils de connaissances en matière de conflits de travail.
  • Comprendre l’étendue des obligations qui lui sont imputables en matière de prévention et d’intervention.
  • Développer son réflexe d’aller chercher conseil auprès d’un professionnel habilité.
  • Se faire confiance!

Comportements à privilégier par le gestionnaire

  • S’assurer que la politique en matière de harcèlement offre un cadre adéquat lorsque vient le temps de la mettre en application.
  • Assurer un soutien-conseil adapté au gestionnaire qui doit gérer une situation difficile et faire en sorte qu’il ne se sente pas seul dans cette dynamique conflictuelle où il se croit trop souvent démuni.
  • Mettre en place une procédure de suivi en collaboration avec le gestionnaire concerné afin de s’assurer de minimiser le risque de récidives de comportements et d’attitudes non souhaitables.
  • Faire la promotion continuelle auprès de l’ensemble des membres du personnel d’un savoir-être respectueux.

Pour aller plus loin

SIGOUIN, Marie-Josée et BERNIER Linda. Comment traiter une plainte de harcèlement psychologique, Collection Le Corre en bref, volume 2, Le Corre et Associés, Éditions Yvon Blais inc., Québec, 2007.
MUSSELY-GOSSELIN, Suzanne. Harcèlement psychologique et enjeux relationnels – Comprendre et savoir agir, Éditions Yvon Blais inc., Québec, 2013.
COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL. Le harcèlement psychologique au travail 2004-2014 de la prévention à la résolution, Éditions Yvon Blais inc., Québec, 2014.
CANTIN Isabelle et CANTIN, Jean Maurice. Politiques contre le harcèlement au travail et Réflexions sur le harcèlement psychologique par, Éditions Yvon Blais inc., Québec, 2004.

Voir aussi