La hausse massive du télétravail dans la pandémie actuelle provoque son lot d’avantages, mais aussi d’enjeux, touchant notamment l’utilisation des technologies de l’information et la gestion à distance. Parmi ceux-ci, on retrouve entre autres une amplification des risques de cyberharcèlement.
Même si le harcèlement peut s’avérer moins visible dans un contexte comme celui-ci, il n’est pas pour autant moins présent. L’intimidation n’est peut-être pas physique, mais prend forme via messages texte sur un téléphone personnel, par des commentaires en visioconférence, dans la boîte courriel ou en clavardage. Ces voies deviennent tout aussi difficiles, sinon plus, à surveiller pour les employeurs.
Une situation fragile à distance
À l’ère de l’emploi à distance, les entreprises ne doivent donc pas baisser leurs mesures contre le harcèlement en milieu de travail, bien au contraire. Voici quelques statistiques sur le sujet :
- 29 % des répondants indiquent avoir été personnellement victimes ou témoins d’une situation de harcèlement à la lumière d’un sondage auprès des travailleurs mené en 2020. Ils ne constituaient que 18 % en 2016.
- 36 % des professionnels RH croient que le télétravail rend plus difficiles la prévention et la gestion du harcèlement en milieu de travail selon un récent sondage.
- 29 % des travailleurs ne seraient pas à l’aise de porter plainte à un employeur à distance en raison du contexte de télétravail, selon le même sondage.
Dans un contexte où les organisations sont parfois plus fragiles, dans des situations plus précaires, Manon Poirier, CRHA, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés mentionne que « d’un côté, les gens sont moins patients dans leurs interventions, et de l’autre, plus sensibles dans la réception des messages. » Elle indique que les enjeux suivants devraient être au centre des préoccupations :
- Le biais dans l’interprétation des communications écrites
- L’isolement des travailleurs
- Des actes répréhensibles moins visibles par autrui
- Des communications en continu à tout moment de la journée
« On se retrouve donc avec une combinaison de facteurs qui peuvent détériorer la qualité des relations entre les gens. Si nous ne sommes pas vigilants et que l’on ne prend pas la peine d’agir, on peut se retrouver avec des situations de harcèlement. », explique-t-elle.
S’outiller pour contrer un mal invisible
En tant que cadre ou gestionnaire, vous avez le devoir et le pouvoir de prévenir et d’intervenir en cas de harcèlement, mais vous ne pouvez pas le faire seul. Contrer ce mal invisible doit être fait de manière collaborative avec les employeurs, employés et spécialistes RH qui peuvent grandement aider dans l’implantation d’un processus efficace relatif à la gestion du harcèlement à distance. Voici d’ailleurs quelques pistes de réflexion :
- Faire en sorte que votre politique du harcèlement couvre la notion de télétravail adéquatement et en parler ouvertement avec tous les employés.
- Miser sur la prévention afin que le climat de travail ne se désintègre pas, mais s’adapte plutôt aux nouvelles réalités.
- Outiller les gestionnaires pour qu’ils puissent intervenir à distance de manière appropriée.
- Favoriser des échanges courtois et professionnels en encadrant les communications écrites ainsi que les rencontres vidéos dans le respect de l’intimité et de la vie privée.
- Considérer l’implantation d’une politique de déconnexion en établissant les limites entre travail et vie personnelle à domicile. Un projet de loi à ce sujet a d’ailleurs été déposé à l’Assemblée nationale pour modifier la Loi sur les normes du travail dans le but d’éviter l’hyperconnectivité.
- S’assurer que la politique de l’organisation en matière de harcèlement s’étend au télétravail et que les mécanismes et processus de plaintes sont adaptés et qu’il est possible de les gérer à distance dans la mesure du possible.
« Alors que les contextes de travail se multiplient et les relations se complexifient, il est plus important que jamais pour les organisations d’être accompagnées par des professionnels compétents et impartiaux, tels que les CRHA, afin de prévenir et de gérer dans les règles de l’art l’enjeu dévastateur qu’est le harcèlement, » ajoute Mme Poirier à ce sujet.
Si l’on est une entreprise qui élabore ou met à jour ses politiques internes en matière de harcèlement, il ne faut pas oublier de prendre en considération « l’après-crise » où plusieurs travailleurs pourraient rester en télétravail, mais d’autres pourraient se voir retourner au bureau de manière régulière ou adopter un modèle hybride. Par exemple, un modèle d’intervention et de suivi devrait être mis sur pied dans le cas d’une situation de cyberharcèlement qui s’est déroulée entre deux employés qui se revoient physiquement pour la première fois depuis une longue période de télétravail. L’important est de consolider une structure qui vise à contrer tous les types de harcèlement, où qu’ils soient.
Ne faites pas comme si le harcèlement n’existait pas. Aucune organisation n’est à l’abri du harcèlement, et ses répercussions sont dévastatrices. Comptez sur l’expertise d’un conseiller en ressources humaines agréé pour prévenir les situations indésirables, favoriser un climat de travail sain et intervenir en cas de harcèlement.
Sources
CRHA, 2020.
https://ordrecrha.org/ressources/dossiers-speciaux/covid-19/gestion-teletravail-temps-pandemie