Dans certains secteurs, par exemple les TI, la pénurie de main-d’œuvre était flagrante avant la crise. Et la pandémie ne risque pas de faire baisser cette pression. Comment vous assurer de conserver cette main-d’œuvre convoitée, souvent courtisée par les chasseurs de têtes ? Quelles sont les bonnes ou les mauvaises manières de faire face à cette menace ?
Actuellement, rares sont les employés ayant envie de quitter leur poste, constate Sandrine Théard, présidente et fondatrice de Les Sources humaines. Mais la spécialiste du recrutement prédit que la façon actuelle pour les entreprises de gérer la crise aura un impact à long terme sur la rétention de leur main-d’œuvre. « Par exemple, une personne m’a raconté que son employeur l’oblige à se rendre au travail, alors qu’elle pourrait travailler à distance. Je suis certaine que cette travailleuse se cherchera un nouveau poste dès que ce sera possible. » Ainsi, les organisations ont tout avantage à voir à long terme, malgré tout.
Sandrine Théard ajoute qu’il faut prendre soin de ses employés « comme de sa famille » pour créer des liens durables avec eux. Une philosophie qui prévaut encore plus en période de turbulences. D’où l’importance de conserver les relations, malgré la distance qu’impose le télétravail. « Plusieurs entreprises font ce qu’elles peuvent, dans la situation actuelle, pour maintenir des points de contact, en organisant des 5 à 7 virtuels tous les vendredis, par exemple », indique-t-elle.
Il faut également garder en tête les principes qui font que vous êtes un « employeur de choix », analyse pour sa part le directeur régional à Montréal de Robert Half, Michael O’Leary. « Les employeurs doivent non seulement se doter d’un bon plan de communication et de suivi, mais ils doivent aussi aider les gens à passer à travers. C’est plus difficile d’être près de son monde, mais il faut se montrer très flexible et s’adapter. » La transparence quant à la situation est également primordiale, soulignent les deux experts.
Des leviers pour stimuler le sentiment d’appartenance
Peu importe la situation, les leviers pour mobiliser et conserver sa main-d’œuvre, comme la possibilité de développer ses compétences, l’autonomie et le sentiment d’accomplir un travail qui a du sens, demeurent les mêmes. Si ce n’est pas facile en temps de crise, Michael O’Leary rappelle l’importance de proposer un plan personnalisé pour chaque membre de son équipe. « Il faut comprendre les besoins de l’individu pour savoir ce qui le motive, ce qui l’intéresse et adapter son parcours en fonction de ses aspirations. » Un antidote à la démobilisation. « Si on peut attirer les employés grâce au salaire, ce n’est pas avec la paie qu’on les garde », ajoute-t-il.
Offrir une expérience sur mesure à ses troupes fait d’ailleurs partie des stratégies que Sidekick Interactive, une PME spécialisée en TI, avait adopté avant la crise de la COVID-19. « On s’assoit avec les employés et on détermine avec eux leurs besoins et leurs motivations. Ainsi, on met les efforts à la bonne place pour chaque personne. C’est d’autant plus facile puisque nous sommes une quinzaine », explique Gregory Cerallo, cofondateur de cette agence mobile. De cette façon, l’entreprise est en mesure de s’adapter plus aisément aux réalités de chacun.
La PME va même plus loin en proposant des cadeaux individualisés à ses travailleurs, ajoute le cofondateur interviewé avant la crise. Par exemple, l’agence a donné des billets d’avion à un membre de son équipe pour aller visiter sa conjointe, qui commençait un contrat en Europe. « C’est sûr qu’on n’a pas les moyens d’une grande entreprise en ce qui concerne les salaires et les avantages sociaux, ajoute le cofondateur, mais on peut apprendre à connaître nos employés et leur offrir des choses personnalisées, ce qu’ils n’auront pas dans de grandes organisations. »
De petite taille, l’entreprise laisse également beaucoup de place à l’autonomie chez ses travailleurs. Une autre clé pour conserver ses talents, estime pour sa part Philippe Mast, CRHA, cofondateur de CORTO.REV. En effet, constate-t-il, les organisations adoptant un mode « libéré », c’est-à-dire qui diminue voire élimine la hiérarchie, obtiennent généralement de bons résultats à ce chapitre. « Un de mes clients qui a instauré ce système dans les TI a questionné ses équipes et, même en leur offrant une augmentation de salaire de 20 %, ils indiquent qu’ils ne voudraient pas quitter leur poste. Cela rend le milieu de travail plus humain et les employés plus heureux. »
Autant d’éléments qui doivent continuer de guider les gestionnaires pendant et après la crise générée par le coronavirus. D’autant que les besoins de main-d’œuvre risquent de s’accentuer dans certains secteurs de pointe. Ainsi, les entreprises qui auront réussi à maintenir leurs valeurs et leur culture auront certainement une longueur d’avance sur les autres pour conserver leurs meilleurs talents, estime Michael O’Leary.